Saint Joseph, l’ajustement continu à la volonté de Dieu

 

Chers frères et sœurs,

Avouons que nous n’aimons pas beaucoup être dérangés. Nous avons notre univers familier fait d’habitudes et de points de repère sécurisants. Nous avons des projets et nous désirons que les choses se passent comme nous les avons pensées et voulues. Nous demandons à Dieu de veiller sur ce cadre protecteur que nous nous sommes donné et quand nous disons à Dieu dans le Notre Père : « Que ta volonté soit faite », nous pensons souvent : « Seigneur protège-nous. Fais que ma volonté soit faite ».

S’il y en a un qui a pourtant eu sa vie constamment bouleversée, c’est bien Saint Joseph. Combien de fois n’a-t-il pas été dérouté ? Celui que l’on désigne comme « le juste » est un croyant, qui, tout au long de sa vie, a su s’ajuster à Dieu. Il nous montre ainsi ce qu’est la foi, la véritable relation à Dieu. Mettons-nous à son école ce matin. Laissons-nous convertir par lui et vivre notre relation à Dieu de manière beaucoup moins intéressée mais davantage évangélique.

Ouvrons l’Évangile tout d’abord.

I. A chaque pas de l’Évangile,

Joseph se laisse dérouter par Dieu

Nos évangiles sont assez discrets sur Saint Joseph. Ils ne nous parlent ni de sa naissance ni de sa mort. Ils ne nous décrivent pas sa psychologie et ne nous rapportent pas beaucoup de ses paroles. Ils nous disent pourtant l’essentiel. Ce qui me frappe, c’est qu’à chaque pas de l’Évangile, Joseph se laisse conduire par Dieu.

Il y a cinq passages de l’Évangile (chez Matthieu et chez Luc) où nous voyons Joseph à l’œuvre. Et chaque fois, les choses ne se passent pas comme il l’avait imaginé.

1. L’annonce faite à Joseph (Mt 1/18-25)

Joseph est un villageois, il a un métier, il est charpentier-maçon. Il veut fonder une famille. Il n’est pas encore marié à Marie, mais l’alliance est déjà conclue. Sans doute ont-ils dû faire des projets, aménager la maison où ils vont habiter et parler des enfants qu’ils auront.

Or, Marie se trouve enceinte avant qu’ils aient habité ensemble, avant qu’ils aient eu des relations sexuelles. Joseph est dérouté, désorienté. Ce qu’il avait imaginé s’effondre. Il est un homme juste et bon, il ne veut pas imposer à Marie cette vraie mort sociale que serait une répudiation publique. Il compte la répudier en secret. Peut-être pressent-il que Marie est l’objet d’une prédilection divine, qu’elle a une place dans le dessein de Dieu. Il veut alors se retirer humblement. Qui est-il pour intervenir dans la vie de Marie avec ses pauvres projets, bien humains, bien concrets, si Dieu est à l’œuvre dans la vie de sa future épouse ?

Or dans un songe, il reçoit par l’Ange une révélation de Dieu : il est appelé par Dieu à tenir une place dans le dessein divin. Dieu a besoin de lui. Il lui confie un service : être l’époux de Marie et le père adoptif de cet enfant que Marie va avoir :

Joseph est un serviteur de l’incarnation, de la venue dans la chair du Fils de Dieu.

Quel bouleversement dans sa vie ! Joseph ne se laisse pourtant pas envahir par ses états d’âme. Il a confiance et il obéit à Dieu : « il fit ce que l’ange lui avait prescrit, il prit chez lui son épouse » (Mt 1/24)

2. Le voyage à Bethléem et la naissance de Jésus (Luc 2/1-21)

Joseph avait préparé la maison en vue de l’accouchement qui approchait, puis voici qu’il est rattrapé par des événements qui le surprennent et là aussi le déroutent. Vraiment, les choses ne se passent pas comme il l’avait projeté ! Il est obligé de se mettre en route avec sa femme pour se rendre à Bethléem puisque par décision de l’Empereur Auguste chacun devait se faire inscrire dans sa ville d’origine pour le recensement.

Et là, autre surprise : il n’y a pas pour eux de place dans la salle commune du caravansérail. Marie va accoucher. Elle va le faire dans une étable : quelle pauvreté pour celui qui est envoyé par Dieu comme le Sauveur de son peuple !

3. La fuite en Egypte. Le retour en évitant la Judée (Mt 2/18-15 ; 19-23)

Après la naissance, Joseph compte retourner tranquillement à Nazareth mais la persécution d’Hérode le conduit à prendre la fuite. « Fuis en Egypte ». Tout se fait à la hâte : « Joseph se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, de nuit, et se retira en Egypte » (Mt 2/14).

On voit là le courage et la détermination de Joseph. Il sait faire face aux événements qui surviennent dans sa propre vie et la bouleversent.

Il est un immigré, comme le peuple juif en Egypte, comme beaucoup d’immigrés aujourd’hui, qui fuient leur pays à cause de multiples facteurs de violence (politiques ou économiques). Joseph reviendra plus tard, en évitant de passer par la Judée à cause d’Archelaüs.

4. La présentation au Temple (Luc 2/22-39)

Marie et Joseph, après la naissance de Jésus, vont monter au temple de Jérusalem. Là aussi, ils vont être un peu déroutés par ce que leur dit le vieillard Syméon : « le père et la mère de l’enfant étaient étonnés de ce que l’on disait de lui » (Luc 2/33). Cet enfant est salut, lumière à la fois pour les païens mais aussi pour la gloire d’Israël son peuple. Il porte l’espérance de son peuple. Mais il sera aussi une source de contradictions.

5. Jésus perdu et retrouvé (Luc 2/41-52)

Enfin, nous retrouvons Marie et Joseph, quand Jésus a douze ans, dans le cadre d’un pèlerinage à  Jérusalem. Le soir, à l’étape du chemin de retour, Marie et Joseph ne trouvent pas Jésus. Le père et la mère sont alertés. Joseph est inquiet et dérouté : « Ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem en le cherchant » (2/45). Joseph est dérouté, au sens propre, puisqu’il rebrousse chemin.

Quand il va retrouver Jésus, il ne comprend pas la parole que celui-ci lui dit : « Ne savez-vous pas que je dois être chez mon Père ». Mais qui est-il donc ? Jésus, un descendant de David…Oui. Mais pourquoi parle-t-il de Dieu comme son Père ? Marie et Joseph vont reprendre la route de Nazareth, un peu déroutés et étonnés par leur enfant. Mais je pense que Joseph, comme Marie, devait garder toutes ces choses dans son cœur, méditant sur le mystère de ce fils qui lui a été confié et sur le dessein de Dieu.

II. Le secret du courage de Joseph

Devant tous ces événements qui le surprennent et le « déroutent », Joseph fait face avec courage, assurance et persévérance. Il ne se laisse pas ébranler, perturber malgré ses questions et ses étonnements. Il est vraiment le bon et fidèle serviteur dont parle l’Évangile, ce serviteur fidèle et avisé, à qui le Maître a confié ses biens (Luc 12/44).

Quel est le secret de ce courage ?

La foi de Joseph
  • Le secret de Joseph, c’est sa foi, sa profonde confiance en Dieu. Il sait que Dieu veille sur son peuple, veut le salut de son peuple et le guide selon ses desseins. Il croit dans les promesses de Dieu. Il sait que Dieu est fidèle et qu’il est toujours au rendez-vous. Comme dit saint Paul : « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8/28).
  • Joseph est dans la lignée de tous ces croyants, de tous ces justes dont nous parle l’Épître aux Hébreux qui se sont mis en route, confiant en la parole de Dieu qui les appelait à partir : il nous faut relire tout le chapitre 11 de cette Épître.

Soulignons qu’il y a une grande ressemblance entre Joseph et Abraham, le père des croyants, celui qui a eu foi en Dieu : « Par la foi, répondant à l’appel, Abraham obéit et partit pour un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit sans savoir où il allait » (Hb 11/8). Oui, Joseph est le croyant. Il a confiance en Dieu. Il part, même s’il ne sait pas où il va.

La démaîtrise de Joseph
  • Comme je vous le disais au commencement de cette homélie : nous aimons bien maîtriser notre vie, conduire la barque de notre existence selon nos convictions et nos projets. Nous restons les maîtres. Nous tenons les rênes. Nous demandons à Dieu de nous soutenir, de nous aider, de nous fortifier. Certains diront que nous risquons alors de transformer Dieu en moteur-auxiliaire de notre vie.
  • Nous ne sommes pas les seuls. Regardez Saint Pierre dans l’Évangile. Il voulait bien suivre le Christ mais à condition de maîtriser les affaires, de conduire les choses. Il a une idée du Messie et il voudrait que Jésus s’y conforme. Il s’oppose à Jésus qui annonce sa passion (« Cela ne se passera pas ainsi ») et cela lui vaut cette réponse cinglante de Jésus « Passe derrière moi, Satan » (Mc 8/33). Nous voulons maîtriser notre vie, mener notre barque, parfois même celle des autres, de nos enfants (en fonction de ce qui nous paraît bon pour eux ou pour nous, ce que nous imaginons, en fonction des plans que nous avons faits pour eux). Il y a des personnalités qui veulent imposer leur façon de voir à leur entourage.
  • Joseph, lui, accepte que ce soit un autre qui mène la barque. Il se laisse conduire par Dieu. Cela appelle de sa part une démaîtrise, une remise de soi-même entre les mains de Dieu. Il sacrifie pour Dieu ses propres projets. Il vit déjà de la grâce de Jésus, de celui qui cherche à faire la volonté du Père, qui remet sa vie entre ses mains (cf. Jn 4/34 et Luc 23/46). « Non pas ma volonté, mais la tienne ». C’est ce que nous demandons dans le Notre Père : « Que ta volonté soit faite », dans le monde et d’abord dans notre vie. C’est un appel à nous laisser conduire par Dieu. Il s’agit d’une véritable conversion, d’un combat spirituel.
  • Joseph a prié le psaume 23.

Psaume 23, 1 – Le Seigneur est mon berger, rien ne me manque.  23, 2 – Sur des prés d’herbe fraîche il me parque. Vers les eaux du repos il me mène.  23, 3 – Il y refait mon âme ; il me guide aux sentiers de justice à cause de son nom.  23, 4 – Passerais-je un ravin de ténèbres, je ne crains aucun mal car tu es près de moi ; ton bâton, ta houlette sont là qui me consolent

Joseph a fait sienne la foi du psalmiste qui a foi en Dieu, bon Pasteur de son peuple, et se laisse conduire par lui.

  • Cela permet à Joseph de trouver l’attitude juste devant Dieu : ni démission ni crispation. Ne pas se laisser porter par les événements en abdiquant devant toute responsabilité mais ne pas se crisper non plus sur ses propres positions ou projets pour les défendre à tout prix. C’est l’invitation à entrer dans un véritable discernement de la volonté de Dieu.
  • Ce discernement implique une vraie vie de prière, de contemplation, de méditation. Marie reprenait toutes les paroles entendues et les événements vécus pour apprendre à y discerner la volonté de Dieu. On peut penser que Joseph a fait de même. Toute la tradition de prière de l’Eglise à Saint Joseph a fait de lui tout à la fois un actif et un contemplatif.
  • la Lettre de Jean Paul II sur Saint Joseph : Appelé à veiller sur le Rédempteur, 1989, n° 25 et n° 27 :                                                                                                                                          n° 25 :

« Le climat de silence qui accompagne tout ce qui se réfère à la figure de Joseph s’étend aussi à son travail de charpentier dans la maison de Nazareth. Toutefois, c’est un silence qui révèle d’une manière spéciale le profil intérieur de cette figure. Les Evangiles parlent exclusivement de ce que « fit » Joseph ; mais ils permettent de découvrir dans ses « actions », enveloppées de silence, un climat de profonde contemplation. Joseph était quotidiennement en contact avec le mystère « caché depuis les siècles », qui « établit sa demeure » sous son toit ».

n° 27 :

« Les âmes les plus sensibles aux impulsions de l’amour divin voient à juste titre en Joseph un exemple lumineux de vie intérieure ».

La lecture des épîtres de Paul est aussi une bonne école de la démaîtrise de soi. Paul se laisse conduire par le Seigneur, de sa conversion à sa mort.

Conclusion

Nous pouvons nous confier à saint Joseph. Lui qui a veillé sur la croissance du corps de Jésus, il veille aujourd’hui sur la croissance de ce nouveau corps que celui-ci se donne : le corps de son Eglise. Nous pouvons lui confier nos soucis, ce qui nous habite, ce qui nous inquiète et nous angoisse. Mais nous pouvons lui demander de nous laisser, nous aussi, guider par Dieu et remettre nos vies entre ses mains, dans la foi et la confiance.

Laissons-nous conduire par le Seigneur, comme il est dit dans le Livre de l’Apocalypse de saint Jean :

« L’agneau qui se tient au milieu du trône sera leur berger ; il les conduira vers des sources d’eau vive. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 7/17).

Saint Joseph, apprends-nous la confiance et la remise de nos vies entre les mains du Père. Amen.

 

Mgr. Jean-Pierre cardinal RICARD
Homélie prononcée  pour la fête du 1er mai 2018 à Saint-Joseph de Mont-Rouge.

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