L’ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR

 

“Frères et sœurs, vous savez ce que signifie en français l’expression : “être à côté de la plaque”. “Etre à côté de la plaque” c’est ne pas être exactement là où il faut être, ne pas comprendre exactement ce qu’il faut comprendre. Alors, on peut être un peu à côté de la plaque ou complètement à côté de la plaque. Ça peut être ennuyeux parce que les gens ‘à côté de la plaque’ sont un peu marginaux, pas tout à fait dans ce qui est à penser, à croire, à faire.

Mais parfois c’est très bien comme ça, en particulier quand on cherche Dieu parce que Dieu certains ont vite fait d’en faire leur affaire, de le délimiter, d’en faire presque un élément de leur paysage.

Mais Dieu déborde toujours, on ne peut pas définitivement le mettre dans des cadres, dans des limites, on ne peut pas en faire sa chose : c’est un vivant, Dieu c’est une personne, Il échappe, et les Mages sont à côté de la plaque, bien heureusement ! Ils vont nous aider à rencontrer, à retrouver ce Dieu qui se tient volontiers, Lui-même, à côté de la plaque, plus grand, plus inattendu que ce qu’on dit de Lui, que ce qu’on fait de Lui.

Alors, qui sont ces Mages ? Apparemment  : ce sont des servants venus de Perse (l’Iran actuel), un pays de très vieille culture que les Hébreux connaissent bien (c’est Cyrus, roi de Perse, qui a permis aux déportés juifs, dans l’antiquité, de rentrer dans leur pays, Israël, et puis il y a même des mots persans qui sont entrés en hébreux et dans notre vocabulaire, par exemple le mot ‘paradis’).

Les Mages sont à la fois des astronomes, ils observent le ciel, ils le cartographient, et puis des astrologues, ils essaient de trouver, en voyant les astres du ciel, des signes peut-être dans lesquels les dieux parlent.

Alors les Mages n’ont pas toujours bonne presse dans la Bible (dans la Genèse il y a Pharaon, vous vous en souvenez peut-être, qui a des songes, qui fait venir ses mages pour les lui interpréter mais ils n’y arrivent pas, donc il y a des mages qui sont plus ou moins bons dans leur métier, mais on trouve cela aussi dans le livre de Daniel : le roi Nabuchodonosor a des songes et demande à ses mages l’interprétation, mais ils n’y arrivent pas non plus).

Donc, ici, nos Mages venus de Perse ont vu un astre nouveau et l’ont mis en relation avec la naissance d’un petit roi : le Roi des Juifs, ce qui n’est pas mal pour des gens un peu à côté de la plaque par rapport aux bons croyants, ce n’est pas mal ! 
Et, quand ils arrivent après un long voyage à Jérusalem, ils se mettent à poser de bonnes questions.

Apparemment à côté de la plaque, leurs caractères étrangers, leurs sciences peut-être un peu inquiétantes, mais ils mettent les pieds dans la plat quand même, ils frappent dans le mille ! Par exemple : « Où est le roi des juifs qui vient de naître ? » Ce n’est quand même pas mal d’avoir perçu cela, et puis l’expression ‘Roi des Juifs’ c’est bien, ça va tellement dans le mille que Hérode, qui vient de recevoir du pouvoir romain le titre de ‘Roi des Juifs’, est un peu inquiet ! Il y aurait donc un ‘Roi des Juifs’ qui n’est pas lui, et qu’est-ce que ça veut dire ?

Et puis, ces Mages arrivent au bon moment et au bon endroit. Alors, au bon endroit : pas tout à fait. Ils arrivent à Jérusalem et le ‘Roi des Juifs’ est à chercher à Bethléem, 10 km de là… un peu ‘à côté de la plaque’ ! Mais justement, dans la Bible, être ‘à côté de la plaque’ ça a un nom technique, ça s’appelle : être prophète.

Les prophètes, dans la Bible, ce sont ceux qui pour les gens de l’époque paraissent être complètement ‘à côté de la plaque’ mais en fait qui savent déjà qui est Dieu, où Il va se manifester, et les prophètes disent souvent : « Vous devriez aller là-bas !

Arrêtez de faire ce que vous faites ici et attendez-Le là-bas » et on lui dit : « Mais tu es complètement à côté de la plaque ! » Non, non ! Il est prophète et déjà il voit que Dieu est au-delà, ailleurs que là où on L’attendait ! Donc ces Mages sont peut-être prophètes et quand ils viennent chercher Jésus, le Roi des Juifs, à Jérusalem, ils anticipent Jésus adulte qui entrera hors-roi à Jérusalem et qui, quand Il sera crucifié, aura comme mention de l’occupant Romain au-dessus de sa croix : celui-ci est le Roi des Juifs ! C’est pour se moquer de Lui, peut-être, mais n’empêche que c’est dit et officiellement.

Donc, ces Mages sont de véritables chercheurs, chercheurs de Dieu, et ils peuvent en remontrer aux savants et aux croyants de Jérusalem. Quand ils demandent : « Où est le Roi des Juifs ? », Hérode s’inquiète, demande à tous ses théologiens de lui dire où doit naître le Roi des Juifs…

Et les théologiens connaissent leur Bible, le prophète Michée où il est prophétisé que le Roi des Juifs, descendant de David, descendra justement dans la cité de David, à Bethléem. Alors, que fait Hérode ? Que font tous ses théologiens avertis qui savent où doit naître le Roi des Juifs ? Que font-ils ? Rien ! Ils restent chez eux !

Les Mages, qui ont quand-même trois mille kilomètres dans les jambes, eux continuent leur chemin et vont faire les dix kilomètres qui les séparent de Bethléem : il y a ceux qui restent dans leur monde, enfermés dans les remparts de Jérusalem et ceux qui bougent, les Mages, et aussi Joseph, Marie et Jésus qui vont marcher au pas de Dieu, partir en Egypte, revenir…

Donc Il y a ceux qui bougent au tempo de Dieu et ceux qui sont dans leur monde, qui savent peut-être tout mais qui n’en font rien !
Donc les Mages, on peut dire, sont sur le bon chemin, sont sur la bonne route, et même leur science, leur science un peu inquiétante (observer les astres et faire de l’astrologie). Au tout début de la genèse, quand Dieu crée les astres (chapitre 1, verset 14 et les versets suivants) Dieu dit : « Je fais ces astres, le soleil, la lune, les étoiles, tous les astres du ciel, pour qu’ils marquent les temps, pour qu’ils marquent les fêtes ! »

Le mot hébreu pour ‘les fêtes’, c’est le mot ‘rendez-vous’ ! C’est comme cela : les fêtes sont des rendez-vous entre les humains, entre le peuple de Dieu et son Dieu et Dieu, au désert, a même une tente particulière où Il vit avec son peuple et qui s’appelle ‘la tente du rendez-vous’.

Avec Dieu, tout est histoire de rendez-vous ! Donc le Mages, en décryptant les astres, n’ont pas manqué le rendez-vous : ils ont compris que, loin de chez eux, donc en Terre d’Israël, il y a un petit roi qui est né et les astres mystérieusement le disent, et donc ils partent au rendez-vous et ils arrivent tout à fait à l’heure et pratiquement au bon endroit.

Alors c’est très important parce que ces Mages, on pourrait dire : « Est-ce que leur science n’est pas un peu ésotérique ? » Mais l’ésotérisme c’est quelque chose qui vous emmène toujours vers des réalités plus complexes, codées, cachées, vous faites une recherche qui vous emmène vers d’autres recherches plus ou moins étranges… Là, leur science les emmène vers quelqu’un, une personne, un bébé et Marie ! C’est d’ailleurs très beau de voir ces grands savants venus d’Orient, qui ont fait des milliers de kilomètres, et qu’est-ce que c’est leur joie ? C’est de voir une mère et son bébé sur ses genoux, et ils sont très heureux !

Eh bien non, ce n’est pas de l’ésotérisme, c’est le rendez-vous avec une personne, la science qui les emmène vers ce rendez-vous-là, en plein dans le mille : pas vraiment à côté de la plaque les Mages !
Alors ça ne veut pas dire, tout cela, qu’il suffit de venir de loin et d’avoir des sciences bizarres et que tout est joué, c’est formidable et on va trouver, non, mais c’est vrai pour eux : ils viennent de loin, ils ont une science peut-être contestable, mais ces gens-là sont animés par la recherche de la vérité et une vérité qu’ils savent être incarnée dans une personne, pas une vérité diffuse, confuse… ce ne sont pas des forces cosmiques qu’ils cherchent, c’est quelqu’un ! Et donc ces Mages viennent juste après le chapitre 1 de l’Evangile de Matthieu qui nous a donné toute la généalogie du Christ, et dans la généalogie du Christ il y a des gens bizarres, Dieu le sait : il y a des femmes étrangères, des femmes qui ont des vies contestables, tout un ensemble d’ancêtres dont certains sont vraiment étranges, un peu à côté de la plaque, mais tous ont convergé vers la naissance du Christ.

Donc les Mages appartiennent à tout un peuple à côté de la plaque qui, finalement, trouve le chemin du Christ !
Frères et sœurs, si en ce jour vous vous sentez à côté de la plaque pour diverses raisons : bienvenue, c’est votre fête”

Philippe Lefebvre, dominicain

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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